Mémoires d'une geisha

Une fois n'est pas coutume, je ne vous parle pas d'un livre écrit par un auteur japonais... mais américain, Arthur Golden! Cela dit, je pense qu'il a sa place sur mon blog car il vous transporte au Japon des années 20 à 50, au temps où les geishas étaient encore nombreuses. J'avais vu son adaptation cinématographique en salle à sa sortie en 2005, et j'avais beaucoup aimé, on en avait été émues aux larmes avec une de mes amies (je crois bien que j'en avais même fait un article sur mon blog de l'époque, qui n'existe plus!) Je l'avais trouvé tellement beau, et le destin de cette femme tellement fascinant... Depuis je m'étais promis de lire le roman duquel il est tiré, je l'ai finalement fait des années plus tard, et je ne regrette pas!

Il relate le parcours hors du commun de Chiyo, une fille de pêcheurs pauvres dont le destin va basculer. Arrachée à sa famille, elle transformera sa peine en ambition, et deviendra plus tard Sayuri, l'une des plus célèbres geishas du quartier de Gion à Kyoto, dans les années 30, avec l'espoir que l'homme qu'elle aime secrètement la remarque un jour... Mais cela ne va évidemment pas se faire du jour au lendemain, elle devra grandir et s'affirmer, faire face à des rivalités et surmonter des obstacles. Nous suivons ainsi tout au long du livre son parcours non seulement en tant que geisha mais également en tant que femme.

Nota bene: Non, les geishas ne sont pas des prostituées! Ce sont plutôt des dames de compagnie, artistes accomplies dans différents domaines, excellant dans l'art de la conversation et du divertissement, mais elle n'offraient pas des services sexuels à leurs clients (bien que certaines le faisaient). La seule personne avec qui elles pouvaient avoir des activités intimes était leur danna, un protecteur qui leur fournit un soutien financier. Je vous renvoie à cet article de Vivre le Japon qui explique très bien ce que font exactement les geishas!


Le récit est écrit à la première personne et on suit la vie de Chiyo / Sayuri via son propre point de vue. J'aime beaucoup quand le personnage principal est narrateur, on a ainsi toutes ses pensées et émotions, et dans un roman tel que celui-là, qui traverse plusieurs périodes de la vie d'une femme avec une sensibilité, des opinions, une personnalité qui évolue, c'est plutôt très bien adapté.

Lorsque Chiyo y met pour la première fois les pieds, on commence à découvrir Gion en même temps qu'elle via ses yeux . Avec elle, on apprend petit à petit les codes de ce monde à part entière, de cette société un peu coupée du monde à l'esthétique soignée. Elle rejoint l'okiya (maison de geisha) Nitta, dirigé par Mère, avare, acariâtre et qui dirige d'une main de fer les finances de la maison avec très peu d'humanité, Grand-Mère qui est une ancienne geisha âgée, égoïste et capricieuse. Mais la pire de toutes restera la geisha star de l'okiya, Hatsumomo, une femme sublime mais méchante et cruelle, prête à tout pour détruire notre héroïne. Chiyo trouvera cependant une écoute et du réconfort auprès de Tatie, gentille et patiente envers elle, un peu comme une grande sœur. Elle devient amie avec Pumpkin, une autre apprentie geisha de son âge qui habite dans l'okiya, mais comme elles ont les mêmes ambitions, leur amitié ne sera pas toujours simple. Mameha, une des geishas les plus appréciées de Gion, l'aidera aussi énormément.

On s'attache rapidement à l'héroïne, touché par les épreuves qu'elle traverse. On admire aussi sa patience face aux obstacles qui se dressent devant elle au fil des ans, et par rapport aux sentiments qu'elle nourrit pour le Président. Par contre, là où sa naïveté est normale et attendrissante lorsqu'elle est enfant, elle en devient agaçante une fois qu'elle devient vraiment geisha et passe dans l'adolescence puis l'âge adulte. Chiyo/Sayuri est loin d'être idiote et se montrera même calculatrice par moments, mais elle se fait plusieurs fois manipuler, notamment par Hatsumomo. Elle est aussi naïve dans le sens où à certains passages du livre, on dirait qu'elle ne se rend pas compte que certains de ses actes sont blessants pour d'autres personnes, et elle est finit souvent surprise des conséquences pourtant évidentes.

Mise à genoux par la cruauté des autres ou ses propres erreurs, elle touchera souvent le fond, mais son amour, sa patience et sa résignation réussiront à la faire progresser, petit à petit, étape par étape. Même dans les abysses, son espoir refait toujours surface. Très malheureuse au départ, elle se résignera et devenir geisha deviendra sa seule porte de sortie, et ce sera aussi la seule façon de réussir à atteindre le Président, l'homme  beaucoup plus âgé qu'elle dont elle rêve depuis sa rencontre avec lui. Elle comprendra cependant qu'être une geisha accomplie et renommée est un véritable sacerdoce, avec son lot de souffrances et de terribles sacrifices. D'ailleurs le thème de la perte est extrêmement présent à plusieurs reprises dans le livre.

Ce qui est intéressant c'est aussi qu'en suivant son apprentissage, on apprend beaucoup sur les exigeants arts traditionnels japonais (le théâtre, la danse, le shamisen (instrument à cordes), le chant en ce qui concerne les geishas) qui demandent une discipline inébranlable. On découvre aussi de nombreux aspects de la vie des geishas: habillement, coiffures, mode de vie et même le mizuage (le rite de passage d'apprentie (maiko) à geisha, associé avant les années 60 à la mise aux enchères de la virginité - cet aspect a depuis été heureusement aboli). On sent que l'auteur a étudié son sujet et l'immersion est telle qu'au début je me suis demandée si c'était une histoire vraie, mais il s'agit bel et bien d'une fiction! Cela dit, je ne suis pas spécialiste de l'histoire des geishas, et je sais qu'il a parfois été reproché au livre d'être plein de clichés... mais comme c'est un roman, j'ai choisi de me laisser emporter sans me poser trop de questions.

L'un des points forts de ce livre est aussi le décor et l'ambiance. On se retrouve plongé dans un Japon suranné, encore plein de traditions, d'autant plus dans le quartier de Gion. On s'imagine aisément le tableau idyllique de rues bordées de machiyas, avec les lumières colorées des lanternes dans la nuit, et les fleurs de sakura qui viennent toucher l'eau d'un canal, pendant qu'une geisha traverse un pont en pousse-pousse... Les descriptions sont très vivantes et peignent magnifiquement le décor et l'ambiance. Mais même si c'est plaisant de déambuler mentalement dans un tel décor pendant la lecture, même si c'est dépaysant, ça fait presque trop carte postale, Japon parfait... peut être que cela est dû au fait que l'auteur est américain, même s'il connaît très bien le Japon?

Cependant, cela va être ébranlé avec l'arrivée de la seconde guerre mondiale, qui va complètement changer le Japon, suite à sa défaite, sous l'occupation américaine. Cela marque évidemment clairement un avant et un après dans la vie de Sayuri, car son monde ne sera plus jamais le même. Mais toujours, l'espoir la tiendra... et lui permettra peut être d'enfin réaliser ses rêves.

Pour finir, c'est une histoire certes romancée, peut être même parfois un peu à l'eau de rose, mais le style littéraire impeccable, les descriptions et la personnalité de l'héroïne, associés à de nombreux aspects détaillés de la vie des geishas, et le décor en font un récit vivant et passionnant, dans lequel j'ai adoré me plonger!

Avez-vous déjà lu/vu Mémoires d'une geisha? 
Qu'en avez-vous pensé?
Alors, cliché, pas cliché?


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